Utopie (2), de Thomas More

“Do not you think that if I were about any king, proposing good laws to him, and endeavouring to root out all the cursed seeds of evil that I found in him, I should either be turned out of his court, or, at least, be laughed at for my pains?

For instance, what could I signify if I were about the King of France, and were called into his cabinet council, where several wise men, in his hearing, were proposing many expedients; as, by what arts and practices Milan may be kept, and Naples, that has so often slipped out of their hands, recovered; how the Venetians, and after them the rest of Italy, may be subdued; and then how Flanders, Brabant, and all Burgundy, and some other kingdoms which he has swallowed already in his designs, may be added to his empire?

One proposes a league with the Venetians, to be kept as long as he finds his account in it, and that he ought to communicate counsels with them, and give them some share of the spoil till his success makes him need or fear them less, and then it will be easily taken out of their hands; another proposes the hiring the Germans and the securing the Switzers by pensions; another proposes the gaining the Emperor by money, which is omnipotent with him; another proposes a peace with the King of Arragon, and, in order to cement it, the yielding up the King of Navarre’s pretensions; another thinks that the Prince of Castile is to be wrought on by the hope of an alliance, and that some of his courtiers are to be gained to the French faction by pensions.

The hardest point of all is, what to do with England; a treaty of peace is to be set on foot, and, if their alliance is not to be depended on, yet it is to be made as firm as possible, and they are to be called friends, but suspected as enemies: therefore the Scots are to be kept in readiness to be let loose upon England on every occasion; and some banished nobleman is to be supported underhand (for by the League it cannot be done avowedly) who has a pretension to the crown, by which means that suspected prince may be kept in awe. Now when things are in so great a fermentation, and so many gallant men are joining counsels how to carry on the war, if so mean a man as I should stand up and wish them to change all their counsels–to let Italy alone and stay at home, since the kingdom of France was indeed greater than could be well governed by one man; that therefore he ought not to think of adding others to it; and if, after this, I should propose to them the resolutions of the Achorians, a people that lie on the south-east of Utopia, who long ago engaged in war in order to add to the dominions of their prince another kingdom, to which he had some pretensions by an ancient alliance: this they conquered, but found that the trouble of keeping it was equal to that by which it was gained; that the conquered people were always either in rebellion or exposed to foreign invasions, while they were obliged to be incessantly at war, either for or against them, and consequently could never disband their army; that in the meantime they were oppressed with taxes, their money went out of the kingdom, their blood was spilt for the glory of their king without procuring the least advantage to the people, who received not the smallest benefit from it even in time of peace; and that, their manners being corrupted by a long war, robbery and murders everywhere abounded, and their laws fell into contempt; while their king, distracted with the care of two kingdoms, was the less able to apply his mind to the interest of either. When they saw this, and that there would be no end to these evils, they by joint counsels made an humble address to their king, desiring him to choose which of the two kingdoms he had the greatest mind to keep, since he could not hold both; for they were too great a people to be governed by a divided king, since no man would willingly have a groom that should be in common between him and another.

Upon which the good prince was forced to quit his new kingdom to one of his friends (who was not long after dethroned), and to be contented with his old one.

To this I would add that after all those warlike attempts, the vast confusions, and the consumption both of treasure and of people that must follow them, perhaps upon some misfortune they might be forced to throw up all at last; therefore it seemed much more eligible that the king should improve his ancient kingdom all he could, and make it flourish as much as possible; that he should love his people, and be beloved of them; that he should live among them, govern them gently and let other kingdoms alone, since that which had fallen to his share was big enough, if not too big, for him:–pray, how do you think would such a speech as this be heard?”

“I confess,” said I, “I think not very well.”

louisxivensonconseil.jpg

Le Roi en son conseil

 

Supposons donc que je sois ministre d’un roi. Voici que je lui propose les décrets les plus salutaires; je m’efforce d’arracher de son cœur et de son empire tous les germes du mal. Vous croyez qu’il ne me chassera pas de sa cour, ou ne m’abandonnera pas à la risée des courtisans?

Supposons, par exemple, que je sois ministre du roi de France. Me voilà siégeant dans le Conseil, alors qu’au fond de son palais, le monarque préside en personne les délibérations des plus sages politiques du royaume. Ces nobles et fortes têtes sont en grand travail pour trouver par quelles machinations et par quelles intrigues le roi leur maître conservera le Milanais, ramènera le royaume de Naples qui le fuit toujours, comment ensuite il détruira la république de Venise et soumettra toute l’Italie; comment enfin il réunira à sa couronne la Flandre, le Brabant, la Bourgogne entière, et les autres nations que son ambition a déjà envahies et conquises depuis longtemps.

L’un propose de conclure avec les Vénitiens un traité qui durera autant qu’il n’y aura pas intérêt à le rompre. «Pour mieux dissiper leurs défiances», ajoute-t-il, «donnons-leur communication des premiers mots de l’énigme; laissons même chez eux une partie du butin, nous la reprendrons facilement après l’exécution complète du projet.»

L’autre conseille d’engager des Allemands; un troisième d’amadouer les Suisses avec de l’argent. Celui-ci pense qu’il faut se rendre propice le dieu impérial, et lui faire une offrande d’or en guise de sacrifice; celui-là, qu’il est opportun d’entrer en arrangement avec le roi d’Aragon, et de lui abandonner comme un gage de paix le royaume de Navarre, qui ne lui appartient pas. Un autre veut leurrer le prince de Castille de l’espoir d’une alliance, et entretenir à sa cour des intelligences secrètes, en payant de grosses pensions à quelques grands seigneurs.

Puis vient la question difficile et insoluble, la question d’Angleterre, véritable nœud gordien politique. Afin de parer à toutes les éventualités, on arrête les dispositions suivantes:

Négocier avec cette puissance les conditions de paix, et resserrer plus étroitement les liens d’une union toujours chancelante; lui donner publiquement le nom de meilleure amie de la France, et, au fond, s’en méfier comme de son plus dangereux ennemi.

Tenir les Écossais toujours en haleine, ainsi que des sentinelles d’avant-poste attentives à tout événement, et, au premier symptôme de mouvement en Angleterre, les y lancer à l’instant comme une armée d’avant-garde.

Entretenir secrètement (à cause des traités qui s’opposent à une protection ouverte) quelque grand personnage en exil, l’encourager à faire valoir des droits sur la couronne d’Angleterre, et, par là, mettre en échec le prince régnant dont on redoute les desseins…

Alors, si, au milieu de cette royale assemblée où s’agitent tant de vastes intérêts, en présence de ces profonds politiques concluant tous à la guerre, si moi, homme de rien, je me levais pour renverser leurs combinaisons et leurs calculs, si je disais:

Laissons en repos l’Italie, et restons en France; la France est déjà trop grande pour être bien administrée par un seul homme, le roi ne doit pas songer à l’agrandir. Écoutez, messeigneurs, ce qui arriva chez les Achoriens, dans une circonstance pareille, et le décret qu’ils rendirent à cette occasion:

Cette nation, située au sud-est de l’île d’Utopie, fit autrefois la guerre, parce que son roi prétendait à la succession d’un royaume voisin, en vertu d’une ancienne alliance. Le royaume voisin fut subjugué, mais on ne tarda pas à reconnaître que la conservation de la conquête était plus difficile et plus onéreuse que la conquête elle-même.

À tout moment, il fallait comprimer une révolte à l’intérieur, ou envoyer des troupes dans le pays conquis; à tout moment, il fallait se battre pour ou contre les nouveaux sujets. Cependant l’armée était debout, les citoyens écrasés d’impôts; l’argent s’en allait au-dehors; le sang coulait à flots, pour flatter la vanité d’un seul homme. Les courts instants de paix n’étaient pas moins désastreux que la guerre. La licence des camps avait jeté la corruption dans les cœurs; le soldat rentrait dans ses foyers avec l’amour du pillage et l’audace de l’assassinat, fruit du meurtre sur les champs de bataille.

Ces désordres, ce mépris général des lois venaient de ce que le prince, partageant son attention et ses soins entre deux royaumes, ne pouvait bien administrer ni l’un ni l’autre. Les Achoriens voulurent mettre un terme à tant de maux; ils se réunirent en conseil national, et offrirent poliment au monarque le choix entre les deux États, lui déclarant qu’il ne pouvait plus porter deux couronnes, et qu’il était absurde qu’un grand peuple fût gouverné par une moitié de roi, quand pas un individu ne voudrait d’un muletier qui serait en même temps au service d’un autre maître.

Ce bon prince prit son parti; il abandonna son nouveau royaume à l’un de ses amis, qui en fut chassé bientôt après, et il se contenta de son ancienne possession.

Je reviens à ma supposition. Si j’allais plus loin encore; si, m’adressant au monarque lui-même, je lui faisais voir que cette passion de guerroyer qui bouleverse les nations à cause de lui, après avoir épuisé ses finances, ruiné son peuple, pourrait avoir pour la France les conséquences les plus fatales; si je lui disais:

Sire, profitez de la paix qu’un heureux hasard vous donne; cultivez le royaume de vos pères, faites-y fleurir le bonheur, la richesse et la force; aimez vos sujets, et que leur amour fasse votre joie; vivez en père au milieu d’eux, et ne commandez jamais en despote; laissez là les autres royaumes, celui qui vous est échu en héritage est assez grand pour vous.

Dites-moi, cher Morus, de quelle humeur une telle harangue serait-elle accueillie?

— De fort mauvaise humeur, répondis-je.

Traduction de Victor Stouvenel

Publié dans : Littérature anglaise |le 2 novembre, 2006 |Pas de Commentaires »

Vous pouvez laisser une réponse.

Laisser un commentaire

mehdi |
Le TRANSFO |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | penser et tout dire
| Pascal DEMEURE, mes romans....
| le Cri du Crabe qui Cuit ...